Carnet de voyage

Voyage Katmandou novembre 2019




Mardi 19/11/19

Arrivée à Katmandou dans l’après midi .
Le soir , Kalash et Rufus viennent à l’hôtel Utsé nous rencontrer.
Kalash nous confie qu’après être rentrée de France , et suite à l’offre de jeune fille au pair, elle a choisit de rester au Népal , préférant rester solidaire de sa famille et tenter de mener une carrière professionnelle dans son pays.
Elle se sent indispensable au bon fonctionnement de la maisonnée , sentiment partagé par ses frères et sœurs .
Très motivée dès son retour de France, elle a postulé en envoyant de nombreux CV (40) à des banques et cabinets d’audit susceptibles l’embaucher.
La partie « solide » de la famille à savoir Sadjani, Kalash, Krishna et Rufus, fonctionnent en autonomie remarquablement bien depuis des années, grâce en grande partie à notre aide financière, soutenant et prenant en charge la partie « faible » de la famille, père, mère, Saphrya et Salina.
C’est un bel exemple de cohérence collégiale et fraternelle.


*Kalash* 
Elle a été embauchée vers le 20/10/19 dans un cabinet d’audit / experts comptables qui s’appelle : GAUTAM MAN MAHARJAN / AUDIT FORM
Le 1er mois au l’essai, à l’ALITPUR ( quartier de Patan ).
Son emploi consiste à rendre visite aux clients du cabinet d’audit pour échanges de documents et d’informations ( chèques, argent, facturés etc).
Actuellement, elle travaille pour le même cabinet d’audit dans un quartier plus central de Katmandou: BANGEMUDA.
Six jours par semaine de 10h à 19h.
Salaire espéré 5 à 6000 roupies Népalaises par mois soit 40€.
Elle est très motivée et fera probablement tout pour grimper dans la hiérarchie.

*Sadjani* 
L’ainée de la fratrie, a pris en charge, le fonctionnement du magasin qui est ouvert de 7h à 22h tous les jours.
Le stock est composé d’objets utilitaires les plus demandés : savon, briquet, stylos etc...
Quelques exemples :
1 savon acheté à 20 roupies népalaises RN, est revendu à 25 RN. Les profits sont minimes , de l’ordre de 10 à 20%.
Sadjani note sur un cahier les recettes et les crédits , monnaie courante semble t’il .Nous leur avons présenté le tableau proposé par Patrick.
La progression de la boutique d’une année sur l’autre, est particulièrement remarquable. L’apprentissage de ce genre de commerce, jusque là inconnu de la famille, fait son chemin, en parallèle de la création d’une clientèle régulière, attirée principalement par les prix bas pratiqués.
Il y a forte concurrence dans la rue ( autres boutiques).
Tout cela est très encourageant pour la suite du fonctionnement et la croissance du commerce et après avoir passé deux fois deux heures dans le magasin,
Il est raisonnable d’envisager un revenu de l’ordre d’un demi salaire selon nos calculs, soit 2000 à 3000 RN par mois, ce qui représente 25€ environ, revenu loin d’être négligeable.
Nous leur avons présenté le tableau proposé par Patrick mais leur suggérer une méthode inconnue et étrangère de comptabilité , nous semble inutile au vue de leur débrouillardise.
N’est pas l’autonomie recherchée ?
Ajoutons que la création du commerce crée un statut social pour Sadjani et ses frères et sœurs vis à vis du voisinage et de la clientèle.


*Krishna*
Visite à l’école d’ingénieurs de Krishna :
ACME INGENEERING COLLEGE
Rencontre avec le principal, paiement du troisième semestre/ ( sur huit en tout) qui va jusque fin juin 2020.
Nous avons payé 930€.
Les quartes années correspondent à 7440€ (930€X8 semestres) donc, assez loin Des prévisions des 12000€ annoncés pour l’ensemble de la scolarité.
Il apparaît très motivé dans ses études d’après le principal.
Beaucoup d’heures de cours , avec un travail au domicile très important.


*Rufus*
Visite de son école : PEOPLE’S CAMPUS à Katmandou pas très loin du domicile familial. Rencontre avec l’assistant du principal, et paiement de la 2ème année sur 4 années , soit 21720 RN = 173,76€.
Rufus est très motivé , toujours selon l’assistant et ses cours se déroulent de 6h30 du matin à 14 h.
L’assistant nous fait remarquer qu’un travail personnel à domicile est indispensable au bon suivi du cursus universitaire.
Envisager un travail l’après midi, semble très compliqué et pourrait fragiliser actuellement notre étudiant dans la poursuite de ses études. L’essai de travail à l’hôtel Holy Himalaya a tourné cours.
Des stages en milieu professionnels touristiques (hôtels , agences de voyages ) sont envisageables dans la suite des études.


*Ouverture d’un compte bancaire*

Le 25/11/19, rdv a 13h a l’hôtel Utsé avec Saelendra, Krishna et Sadjani pour l’ouverture du compte à « NÉPAL RASTRA BANK THAMEL «
Les deux enfants auront la signature respective pour retirer l’argent nécessaire à la famille.
A 16h, le compte est ouvert. Patrice dépose 44000 RN soit 352€ dont 21720 RN soit 173,76€ pour payer la deuxième année de l’école de Rufus.
Restent 22280 RN une fois l’école payée , soit 170€, acompte pour le mois de décembre (120€/mois pour subvenir aux besoins de la famille).
Restent 50€, acompte pour le mois de janvier ou réserve en cas de « coup dur ».

En conclusion de ce voyage, la confiance entre la famille Yadav est nous est renouvelée.
Les enfants font preuve d’un génie et d’une organisation « toute Népalaise « mais néanmoins très efficace. Leur motivation est saine et active.
Notre devoir est de les encourager dans ces bonnes voies de toutes nos forces vers l’autonomie.
C’est le but de notre association Lila Shiva Kumari .

Babeth et Patrice.







                          KATMANDOU décembre 2018

Partis de Roissy la veille au soir, nous arrivons le mercredi 28 novembre à Katmandou en fin d’après-midi. Sailendra nous accueille chaleureusement à l’aéroport. Nous chargeons nos sacs dans la voiture avec chauffeur et plongeons dans les embouteillages et le bouillonnement de Katmandou. Sur notre route vers le quartier de Thamel, le soleil est bas sur l’horizon, il ne fait pas froid.  
Nous prenons nos quartiers à l’Utse Hotel, un établissement fondé et construit par des réfugiés tibétains – le vieux propriétaire est resté longtemps au service du Dalaï Lama, dont le portrait trône au milieu de l’autel bouddhiste du vaste lobby de la réception. Une partie « terrasse de café » vitrée surplombe une rue grouillante de passants et pétaradante de voitures et de motos. La salle à manger fait face aux divans, fauteuils et tables basses du salon de réception et communique avec une grande cuisine ouverte où luisent les cuivres de gros pots tibétains. Les rouges et les bruns, le bois artistement sculpté dominent dans ce décor plutôt kitsch mais décoratif et accueillant. Le confort des chambres, sans charme, est suffisant – et c’est très propre. L’ensemble, encaissé entre deux immeubles, est plutôt sombre. Le bâtiment ne devient un peu lumineux qu’à partir du troisième étage. Mais le petit « plus » de l’Utse, c’est son toit-terrasse, au cinquième étage. Jardinières, plantes en pots, pergolas fleuries, c’est charmant et relativement moins pollué qu’au niveau de la rue … Nous y prenons un masala tchaï pour fêter notre arrivée.

Lorsque Kalash et Rufus arrivent vers 19h, ils prennent un chocolat chaud mais déclinent notre invitation à dîner avec nous car ils ont déjà mangé. Kalash me reconnaît vaguement et se souvient un peu de notre visite de 2009 (elle avait 14 ans). Pas Rufus, qui était trop petit. Au cours de la conversation, Patrice évoque, sans insister, les points dont nous souhaitons discuter avec eux pendant ce séjour : la recherche d’emploi de Kalash, les questions que nous nous posons sur le sort de Krishna, qui a échoué pour la seconde fois au concours d’entrée à l’école publique d’ingénierie, l’avenir de Rufus, et les relations de toute la famille avec leurs plus proches référents, Sailendra et Gyanu.
Nous nous donnons rendez-vous le lendemain après-midi pour une visite de leur maison, que je ne connais pas.

Jeudi 29 novembre
Après une bonne balade dans les quartiers de Thamel et d’Asan Tole, nous arrivons à 11 heures à l’agence Hidden Shangrila où nous retrouvons Sailendra, puis Gyanu qui nous rejoint un peu plus tard. Nous parlons longuement des jeunes Yadav.
Sajani a lâché le stage de formation de 6 mois en couture sur machine à coudre au bout de 3 mois. Elle n’a donné aucune explication. Elle a ouvert, avec l’aide de la fratrie, une petite boutique au rez-de-chaussée de la maison, mais n’en a pas parlé à Sailendra et Gyanu, ils l’ont appris par hasard.
Quant à Kalash, Sailendra lui a mis les points sur les «i»  à propos de sa recherche d’emploi : Gyanu lui avait obtenu un entretien pour un poste chez Coca-Cola, auquel elle ne s’est pas rendue. Elle a arrêté ses cours à l’Alliance Française au bout de trois mois. Depuis les remontrances de Sailendra, elle n’est pas revenue les voir et n’a plus donné de nouvelles.
En ce qui concerne Krishna, Sailendra aussi bien que Gyanu et Ashok lui ont conseillé de travailler pour acquérir de l’expérience et de retenter le fameux concours d’ici deux ou trois ans.
Après avoir déjeuné au restaurant Gaia, nous arrivons chez les Yadav vers 13h30-14h et visitons la maison et ses deux niveaux. La maman Yadav vaque sur le toit-terrasse. Dans la pièce servant de bureau, on nous offre le thé. Les jeunes nous rejoignent un par un, Saffrya la dernière, quand elle a terminé ses heures de ménage dans une maison voisine. 
Nous cherchons à élucider les causes du désengagement de Sajani de cette formation de couture : mauvaise qualité de la formation ? Manque de sérieux de Sajani elle-même ? S’est-il passé quelque chose de spécial ? Nous l’incitons à s’exprimer, mais elle ne dit pas un mot et se contente de sourire d’un air contrit. Kalash n’est guère plus bavarde pour s’expliquer : elle s’est bien présentée à l’agence de Jérôme Edou (un français installé sur place, patron d’une agence de trek depuis 35 ans) mais il lui a demandé en fin d’entretien de rappeler l’agence pour un autre rendez-vous en présence de son associée népalaise, et elle n’a pas osé appeler. Quant au poste à pourvoir chez Coca-Cola, elle a bien téléphoné, mais un jour trop tard.
Les jeunes semblent assez penauds, et leur mine s’allonge lorsque Patrice prend la parole, calmement mais fermement, pour leur dire, en substance, que les donateurs qui ont permis leur éducation ne sont pas tous riches, loin de là, et attendent légitimement de leur part plus de maturité et de responsabilité. Et qu’ils doivent rester en contact régulier avec leurs référents népalais et avec l’association pour donner de leurs nouvelles, parler de leurs difficultés et de leurs projets, demander conseil.
Accompagnés de Kalash et Rufus, nous montons ensuite les 365 marches de Swayambunath, l’un des sites bouddhistes les plus anciens de Katmandou et assez proche de la maison des Yadav. Nous rentrerons ensuite à l’Uste, toujours à pied et bien fourbus.

Vendredi 30 novembre
Jérôme Edou est absent de Katmandou quelques jours, mais Patrice convient avec lui au téléphone d’un rendez-vous pour la semaine suivante, après notre retour de trek. Patrice ne parvient pas à joindre le couple Saru/Pramod, directeurs de l’école Victor Hugo, qu’il souhaite rencontrer.
Nous allons ce matin à Durbar Square, l’ancienne place du Palais Royal où se concentrent un ensemble de monuments historiques et religieux. Durbar Square a été très abîmé par le séisme d’avril 2015, de nombreux bâtiments sont étayés, ou effondrés, ou déjà en pleine reconstruction. Nous y flânons longtemps, avant de remonter à Asan Tole, où nous prenons un thé parfumé dans une toute petite échoppe, au creux d’une place retirée en plein quartier des potiers. Une montagne de poteries de toutes sortes s’élève au centre de la place, et l’occupe presque entièrement. Les piétons empruntent le chemin de ronde qui encercle ce terril d’un nouveau genre.
Bien que toujours très méfiante dans ce domaine, je commence à m’habituer à la circulation aléatoire d’un flot de rickshaws, de cyclistes, de motos, de voitures déglinguées et d’arrogants 4X4, de piétons erratiques et de chiens qui vivent leur vie de chien. Chaque fois que nous traversons une grande rue, je m’agrippe au coude de Patrice et je le suis docilement sans regarder ni à droite, ni à gauche ! En théorie, on roule à gauche ; dans la réalité, on roule et on marche où l’on peut, les motos valsent entre les obstacles, animés ou non. Il faut éviter les nids de poule, et essayer de ne pas trébucher entre le caniveau et le goudron de la chaussée (le vide qui les sépare est très sournois). Dans la rue se mêlent des odeurs de gas-oil, d’épices, d’encens, de saumure et autres fermentations et putréfactions diverses. Au matin, la poussière en suspens pâlit la lumière du soleil et voile toute végétation d’une poudre grise. La rue est emplie du bruit des moteurs, des klaxons, des cris et des éclats de voix. Elle est aussi constellée d’une multitude de déchets. Les échoppes colorées débordent de vêtements, de quincaillerie, d’aliments, d’un bric-à-brac impossible à recenser. Par-dessus cette fourmilière ondule l’enchevêtrement des fils électriques, réunis en faisceaux lâches qui se balancent entre deux poteaux, enjambent les rues, et forment en se rassemblant d’énormes nœuds aux connexions improbables.
Nous prenons un taxi pour le sanctuaire bouddhiste de Bodnath, dont le stupa constitue le centre d’un quartier essentiellement tibétain – et extrêmement touristique. Nous en faisons le tour à plusieurs reprises, dans l’odeur d’encens et de poussière qui stagne en couche épaisse le long des moulins à prière. Nous reprenons la promenade sur la première terrasse du stupa. Au-delà d’une large esplanade réservée aux visiteurs et qui encercle le stupa, les petites boutiques, les échoppes, les cafés, les restaurants entourent le sanctuaire comme autant d’absides et de chapelles dédiées aux divinités plus prosaïques du commerce et du tourisme. Beaucoup de monde à Bodnath cet après-midi, des touristes, bien sûr, mais beaucoup de népalais également. Le soir après dîner, nous allons écouter dans un restaurant de Thamel un groupe de rock local, de jeunes népalais qui reprennent (très bien) des tubes des années 70. Le restaurant est bondé de touristes et de népalais, c’est un beau succès.
Samedi 1er décembre
Ce matin à l’Utse, Patrice remet à Dolma, la jeune protégée d’une guide française à la retraite, une enveloppe contenant un courrier et de l’argent, de la part de sa marraine. Rufus et Kalash nous rejoignent au même moment et nous allons ensemble à l’office de l’église évangélique que les jeunes Yadav fréquentent maintenant. Ils se sont tous (sauf Saffrya) convertis au christianisme depuis quelques années. Ces conversions sont devenues nombreuses, particulièrement dans les basses castes.
Lorsque nous arrivons, la cérémonie est déjà commencée. Le sol de cette grande halle aux murs et plafonds blancs est entièrement recouvert de tapis, eux-mêmes noirs de fidèles assis en tailleur, qui donnent au bâtiment de faux airs de mosquée. Mais tout est différent lorsqu’on lève les yeux vers les trois ou quatre écrans suspendus au plafond qui permettent aux fidèles de voir le prêtre, même s’ils sont coincés derrière un pilier. Justement, le prêtre principal, fondateur de cette église me dit Kalash, entame son prêche, au moment où nous nous installons au fond de la salle, du côté de quelques chaises et bancs disposés là pour les européens et les personnes âgées (je ne m’attendais pas à voir ici autant de visages européens). L’immense salle est bondée et il en va de même, paraît-il, lors des deux autres services du samedi (le samedi, c’est dimanche au Népal). Bien entendu, le prêche est en népali et nous ne pouvons pas le comprendre ; mais le prêtre doit commenter un évangile de l’Avent, car j’entends les mots Christmas et Bethléem. Le charisme de ce prêcheur est impressionnant : il reste très loin de l’hystérie des télé-évangélistes américains, mais c’est un comédien hors pair dans sa gestuelle et ses expressions, il tient son public, il le fait rire et sourire ou baisser la tête, par honte de ses péchés ? L’affaire dure un bon moment. Kalash nous expliquera ensuite que cette cérémonie était filmée et retransmise en direct sur diverses chaînes de télévision ou sur Youtube, pour atteindre la diaspora népalaise installée en Inde ou aux Emirats Arabes Unis. Il en va de même chaque samedi, semble-t-il.
Nous emmenons ensuite Rufus et Kalash au Gaia Restaurant, puis les  accompagnons chez eux, où nous sommes invités à prendre le thé. Sur l’ordinateur, Patrice leur montre son site et leur fait écouter un échantillon de ses chansons. Il remarque que leur clavier est un clavier français et non anglo-saxon. Nous passons un moment dans la boutique du rez-de-chaussée – et saluons le papa Yadav assis à côté sur le trottoir. Sajani a mis en vente de petits snacks salés destinés aux écoliers rentrant chez eux après les cours, et des puri, petites crêpes gonflées que l’on farcit, comme des choux, de légumes très épicés. Elle vend aussi des carottes, des oignons, des tomates. Elle a démarré petit. Elle ne souhaite pas être aidée pour faire grossir ce modeste commerce mais réinvestira seule son petit bénéfice pour acquérir du stock.

Dimanche 2 décembre
Aujourd’hui, ce sont Saffrya et Salina qui nous rejoignent à l’Utse à 9 heures pour aller à Bhaktapur avec nous en taxi. Le site a été abîmé par le séisme de 2015 mais demeure splendide. Les chantiers de reconstruction sont multiples, comme à Katmandou. Nous flânons longtemps sur les pavés de brique, dans le quartier des potiers. Nous nous extasions sur les œuvres kitschissimes de peintres qui se consacrent aux scènes de haute montagne, de paysages de trek, de cultures en terrasse, nappées d’une bonne dose d’écharpes de brume. Certaines toiles sont si baroques et si habilement peintes qu’elles en deviennent presque belles !
Nous mangeons un Dal Bhat (plat traditionnel de riz et de soupe de lentilles, agrémenté de légumes et parfois de viande en sauce s’il est non-végétarien) sur un toit-terrasse dominant Bhaktapur, en compagnie des deux filles. Il est difficile de les faire parler. Salina est rigolarde et un peu moins mutique que sa sœur, mais le plus souvent, Saffrya répond à nos questions par le silence et un éblouissant sourire. Cependant, elle oublie toute timidité pour héler le serveur et lui demander du rab (le Dal Bhat est toujours servi à volonté) avec un aplomb inattendu. Toutes deux dévorent comme si la famine était pour demain.
Nous rentrons à Katmandou par le bus local, les filles nous quittent, et nous partons en quête du petit artisanat que Patrice rapporte chaque année pour le revendre au bénéfice de l’association Lila : petites boîtes en papier mâché dans une boutique cachemirie ; drapeaux de prière chez une jeune commerçante tibétaine ; thé et encens dans un magasin tenu par deux népalais en pleine zénitude.
Lundi 3 décembre
Quatre des jeunes Yadav doivent partir aujourd’hui en trek avec nous, nous leur avons donné rendez-vous à l’Utse à 7h30. A l’heure dite notre guide, Antarké, arrive avec son sac. Le minibus que Sailendra a commandé pour nous attend de l’autre côté de la rue. Kalash nous annonce au téléphone qu’ils sont sur le point de partir et nous leur donnons rendez- vous près d’un des ponts qui enjambent la rivière Bagmati. Quand nous les retrouvons, nous constatons qu’ils arrivent à cinq au lieu de quatre. Seule Sajani est restée s’occuper de sa boutique et de ses parents.
Ils ont un seul sac à dos pour eux tous et il est loin d’être plein. Salina et Saffrya portent de bonnes vestes, si bonnes qu’elles ne les quitteront pour ainsi dire jamais pendant toute la balade, même pour dormir ! Kalash et les garçons n’ont sur eux que des hauts de jogging sur des t-shirts et qu’une mince polaire chacun dans le sac à dos… Ils sont assez bien chaussés, quoique les bottines fourrées façon charentaises que porte Saffrya évoquent plutôt Carmen Cru que la haute montagne.
Le minibus nous emmène à Sundarijal (= la belle rivière), à l’entrée du parc de Shivapuri, point de départ de notre randonnée. Les paysages sont noyés dans une brume d’une fausse légèreté, que l’on croit toujours, à tort, sur le point de se lever. Escaliers, escaliers, escaliers … Ces escaliers taillés dans le roc sont tuants à la montée et plus encore à la descente, j’en avais un souvenir plutôt pénible et ma mémoire ne me trompait pas !
Arrêt-thé devant un paysage masqué de brume, dont on devine qu’il doit être à tomber, mais par temps clair.
Arrêt Dal Bhat dans une grande maison en plein chantier, à Mulkharka. Sur le côté de la maison, des hommes installent un échafaudage de bambous, tandis qu’une autre équipe soude à l’arc (sans lunettes) une rampe de ferraille sur un petit escalier extérieur menant à la terrasse, en cintrant le tube à la main. En attendant que le déjeuner soit prêt, nous passons un long moment au soleil à contempler l’échafaudage en devenir. Des hommes vont et viennent en tongs, le dos chargé de gros sacs de ciment de 50 kgs.
Antarké m’a promis qu’après déjeuner il n’y aurait plus d’escaliers, il n’a presque pas menti. Après encore quelques volées de marches, nous traversons une forêt sur un chemin moins raide (et sans escaliers). Un peu plus tard, nous franchissons le col. Après les 5 heures de marche de cette étape, nous arrivons à Chisapani et nous arrêtons à l’hôtel Dorjelakpa pour dîner et passer la nuit. Un peu plus loin, un autre hôtel a dû connaître des jours meilleurs : ce bâtiment solide est resté intact, mais le tremblement de terre a démoli ses fondations et l’a fait basculer en avant, puis on l’a dépouillé de ses portes et de ses fenêtres pour finir de le rendre pathétique.
Menu du soir pour les jeunes : Dal Bhat. Apparemment ils adorent ça et ne veulent commander rien d’autre. Le dîner est l’occasion d’autres conversations concernant leur avenir (c’est surtout Patrice qui s’exprime). Ils ont beaucoup parlé avec Antarké sur le chemin, et je tente de cuisiner discrètement notre guide à ce sujet, en vain. Antarké me répond seulement qu’ils ont posé de nombreuses questions sur les endroits que nous avons traversés.
Je partage une chambre avec les trois filles. Elles se couchent toutes les trois dans le grand lit (Salina et Saffrya toujours avec leurs vestes) et me laissent le petit lit d’une personne avec une tonne de couettes. Bien qu’il fasse froid – pas de chauffage, bien sûr, et les cloisons et les vitres de cet hébergement rudimentaire sont bien minces – personne au matin ne semble en avoir souffert.

Mardi 4 décembre
Nous sommes partis avant 8 heures de Chisapani. La brume persiste à voiler le paysage. La marche est plus longue aujourd’hui (au moins 6 heures), mais plus confortable. Au sortir du village, un chien handicapé de sa patte arrière droite nous emboîte le pas. Instantanément baptisé « Trois Pattes » par Patrice, son poil grisâtre, rare et douteux n’arrive pas à le rendre antipathique. Il va nous accompagner jusqu’à l’étape du soir ! Nous empruntons une large piste, qui sera peut-être goudronnée un jour, sur laquelle passent régulièrement quelques camions et véhicules utilitaires. Nous traversons le grand chantier d’un barrage en construction sur la rivière Bagmati, un ouvrage censé améliorer l’approvisionnement de Katmandou en eau. Nous nous arrêtons à midi dans le village de Chauki Bhanjiyang. Dans les petits villages où l’on peut commander un Dal Bhat, il faut attendre sa commande un certain temps car rien n’est préparé à l’avance. Non seulement tout est fraîchement cuisiné, mais ce temps d’attente nous ménage une vraie bonne pause. Nous observons à loisir le manège d’un beau coq qui se pavane au milieu du chemin, en plein village, tout en coqueriquant à l’intention d’une poule rousse. A l’étage d’une bâtisse, sur la véranda, la demoiselle est perchée sur une tôle ondulée très rouillée qui tient lieu de balustrade. Elle paraît sensible à la sérénade de son Romeo, mais n’ose pas quitter son perchoir. Alors que le coq semble au désespoir, voilà que Juliette la poulette se jette dans le vide en battant pathétiquement des ailes, et atterrit durement dans la poussière du chemin et dans un nuage de plumes. Eclats de rire du public (Il faut croire que Juliette le déçoit, vue de près, car Romeo semble ensuite perdre tout intérêt pour sa conquête tombée du ciel).
En arrivant à Nagarkot, Trois Pattes tente de disputer le terrain aux chiens nagarkotais de souche, mais finit par s’incliner par un contre trois, et fait demi-tour. Ce soir, ce sera confort et douche chaude pour tout le monde : grâce à Sailendra, nous avons un prix d’ami pour un hébergement presque luxueux à l’hôtel The Fort Resort, un vaste complexe de construction traditionnelle en briques ocre et bois sculpté. Les chambres disposent même de chauffages (des climatiseurs réversibles), contrairement à l’immense lobby où un joli petit poêle dégage une chaleur bien insuffisante pour ce grand espace. Les sofas et fauteuils n’en sont pas moins confortables, dans un décor de marbres, de parquets et de tapis fort agréable après cette deuxième journée de marche. Je partage à nouveau une chambre à quatre lits douillets avec les filles, et une luxueuse salle de bain généreusement pourvue d’un linge de toilette immaculé. Elles ne se lassent pas de regarder et toucher le beau mobilier, puis elles vont inspecter la chambre que leurs frères partagent avec Patrice avant de les inviter à visiter la nôtre ! Où ils s’installent un bon moment à l’heure de l’apéritif, pendant que Patrice et moi buvons une bière au rez-de-chaussée en compagnie d’Antarké.
Le buffet du dîner remporte un franc succès auprès des jeunes Yadav (toujours abonnés au Dal Bhat), comme celui du breakfast le lendemain matin. Ce troisième jour, je fais définitivement mon deuil des montagnes enneigées de la chaîne de l’Everest (la vue qu’on en a de Nagarkot est réputée magnifique), invisibles dans la brume tenace. Aujourd’hui, c’est un chien noir qui nous prend sous sa protection. Nous descendons progressivement de Nagarkot au village de Nala, toujours en compagnie du chien, qui ne se laisse pas impressionner le moins du monde par la gent canine de la bourgade. Où nous retrouvons les prémices de la civilisation : belles maisons anciennes, temples. Dans un boui-boui situé au niveau de l’arrêt de bus, on nous sert un repas de nouilles chow-mein. Nous prenons un bus de Nala à Banipa, puis de Banipa à Katmandou. A Banipa, nous laissons partir plusieurs bus surchargés (ballots, énormes sacs de patates, bébés emmitouflés, autres êtres humains). Les bus semblent appartenir à différentes compagnies de transport concurrentes, et le contrôleur de chaque véhicule en vante les mérites à grands cris pour encourager le client à embarquer. Ici, le contrôleur fait payer les billets à la descente du bus. Finalement, un bus moins rempli que les autres finit par arriver, et nous voici partis pour Katmandou. A l’arrivée, nous disons au-revoir à notre guide Antarké (une perle) et aux jeunes Yadav qui rentrent chez eux.

Jeudi 6 décembre
Patrice a enfin pu joindre Pramod, le mari de Saru, qui nous envoie un taxi de ses amis pour nous amener à l’Ecole Victor Hugo Manjushree, dans les faubourgs nord de Katmandou, de beaux quartiers très lointains. Nous n’y serions jamais parvenus par nos propres moyens, ni même avec un taxi peu familier des lieux. Nous arrivons à l’heure de la récréation, des dizaines d’enfants en uniforme jouent et piaillent au soleil. Nous sommes accueillis par Saru, grande et brune népalaise dans la trentaine, vêtue d’un jean et d’une polaire. Souriante, belle et beaucoup de classe. Elle est accompagnée d’une jeune éducatrice française venue accomplir quelques mois de bénévolat dans cette école largement financée par des dons français. Dans son bureau, nous discutons avec Saru du devenir des enfants Yadav.
Le concours d’entrée à Pulshok, l’école publique d’ingénierie où Krishna a deux fois échoué à entrer, est très difficile, le niveau est très élevé. Ce peut être une  solution de se tourner vers le privé payant, qui comprend aussi de bonnes écoles. Elle recherche sur internet la liste des meilleures écoles privées, celle à laquelle Krishna avait pensé y figure bien. Elle nous propose de nous faire rencontrer un jeune ingénieur en génie civil, Ramesh, qui supervise actuellement les travaux des 80 places supplémentaires d’internat que l’Ecole Victor Hugo fait construire. Ramesh est justement sorti brillamment de Pulshok, deuxième de sa promotion, il a travaillé trois ans dans les Emirats Arabes Unis.
Pour Saru, il faut absolument que Kalash reprenne les cours de français à l’Alliance Française, il est très important de parler une autre langue étrangère en plus de l’anglais. Et pourquoi ne pas tenter une préparation aux examens d’entrée dans l’Administration (cet examen s’appelle Loc Sewa Exam) ? En ce qui concerne Kalash, je questionne Saru pour savoir si les différences de castes influencent beaucoup le choix des candidats à l’embauche. Saru se montre rassurante, ces difficultés se sont beaucoup effacées (ce que son époux Pramod me confirmera tout à l’heure : il existe désormais une discrimination positive au Népal, en faveur des basses castes et en faveur des femmes).
Le chauffeur de notre taxi nous a attendus. Il nous emmène à quelques rues de là, au domicile de Pramod et Saru. Pramod travaille chez lui ce matin-là en compagnie d’un jeune ingénieur français, Pablo, que son entreprise française met bénévolement à disposition de l’Ecole Victor Hugo durant trois mois pour la construction de l’internat et qui travaille avec Ramesh. Pramod nous offre un délicieux café et nous prenons le temps de tailler une petite bavette. Pramod est un très bel homme, je n’ai pas pu le voir en compagnie de son épouse, mais ils doivent former un superbe couple ! Il a vécu quinze ans en France, et Saru sept ans. Tous deux parlent parfaitement français, la communication avec eux n’en est que plus facile.
Le taxi nous emmène ensuite sur le chantier, qui n’est pas bien loin. La nouvelle aile en construction se trouve un peu en contrebas, des ouvriers s’affairent avec outils et bétonnière. Tout proche, un grand bungalow sert de cantine à l’heure des repas et de bureau aux gestionnaires du chantier. Là, nous rencontrons Ramesh, pas grand, maigre, visage émacié à épaisses lunettes, un vrai physique de premier de la classe ! Il est réservé, mais écoute attentivement les questions que nous nous posons sur le destin de Krishna, et dans la foulée téléphone directement à Krishna, avec qui il a une longue conversation.
D’après cette première impression, après l’avoir interrogé sur les notes reçues aux deux concours, Ramesh estime que Krishna a un bon dossier, sa candidature est donc recevable dans différentes bonnes écoles privées où il serait certainement accepté. Raisonnablement, il faut abandonner la perspective de faire entrer Krishna à l’école publique de Pulshok.  Ramesh est d’accord pour rencontrer Krishna le lendemain entre 10 et 11h. Nous espérons que Ramesh représentera pour lui une espèce de modèle en lui parlant de ses expériences professionnelles, de sa motivation et de la nécessaire rigueur dans les études.
Notre taxi nous dépose ensuite à proximité des locaux de Base Camp Trek. Jérôme Edou s’y trouve déjà, au dernier étage de cette étroite maison qui en compte trois. C’est un espace qui semble gagné sur la terrasse, où s’affairent quelques personnes avec du matériel de bureau et des ordinateurs, mais d’autres font la pause-déjeuner, le plateau de Dal Bhat sur les genoux à la place du laptop. Nous nous installons dans une petite pièce voisine, autour d’une grande table carrée où déjeunent déjà deux ou trois jeunes gens.
Jérôme Edou est le patron d’une agence de trek et d’expéditions, Base Camp Trek, qu’il a fondée il y a 35 ans. Si vous allez sur le site de Base Camp Trek sur internet, vous verrez qu’il a une grosse tignasse blanche, une allure sportive et les yeux très bleus. Quand je le rencontre à Katmandou, j’ignore totalement qu’il est aussi écrivain, spécialiste du Tibet … Patrice et lui se connaissent depuis longtemps.  On nous apporte des Dal Bhat végétariens – ainsi les menus de cette petite cantine d’entreprise peuvent-ils convenir à tout le monde. L’ambiance est décontractée, la conversation animée, surtout entre Patrice et Jérôme qui ont beaucoup à échanger dans leurs domaines communs. Avec le dessert (un délicieux yaourt) viennent les sujets qui intéressent directement l’association Lila. Quand Kalash est venue se présenter à Base Camp Trek, Jérôme l’a trouvée charmante et de bonne présentation (j’avais une inquiétude à ce sujet). Mais son entreprise n’a pas particulièrement besoin d’employés supplémentaires pour l’instant. Cependant, il aurait peut-être retenu sa candidature si Kalash avait suffisamment bien parlé français. L’an dernier, la clientèle française au Népal a progressé de 33%. Jérôme conseille vivement d’envoyer à l’Alliance Française et Kalash, et Rufus, et de leur faire suivre le cursus jusqu’au bout (et aura le mérite de leur faire connaître d’autres personnes, d’autres milieux). Ce qui est très efficace, nous dit-il encore, c’est de séjourner 3 mois en France ; et encore plus avec 3 heures de français par jour avec le CNED sur internet, et interdiction de se servir de l’anglais. Kalash doit s’accrocher au français et mûrir un peu. Sa motivation personnelle est essentielle. Tout en bavardant, Jérôme nous a emmenés sur la belle terrasse d’un luxueux hôtel voisin, et nous offre un savoureux café (ici, le café c’est très souvent du nescafé). La conversation dévie sur l’actualité française – on est en plein mouvement des Gilets Jaunes.

Vendredi 7 décembre
Ce matin, Radju, notre chauffeur d’hier, vient nous prendre à l’Utse. Krishna est venu avec Kalash. Le taxi nous embarque tous les quatre pour le chantier de l’internat où Krishna et Ramesh doivent se rencontrer.
Nous arrivons à l’heure et discutons avec Pablo, pendant que Ramesh, assis face à Krishna et Kalash, entame avec Krishna une longue conversation en népali. Ramesh parle de son cursus, des postes qu’il a occupés, de celui qu’il occupe actuellement. Il consulte aussi les notes de Krishna, que celui-ci a apportées. Nous participons ensuite à la conversation. Enfin, une fois Kalash et Krishna sortis du bungalow, Ramesh nous exprime la bonne impression que Krishna lui a faite. A son niveau actuel, si Krishna cherchait du travail, il toucherait un salaire mensuel de 15 000 roupies (120€). Avec un diplôme d’une bonne école privée, il gagnerait 50 000 roupies (400€) par mois. A son avis, Il serait dommage que Krishna gâche son talent en arrêtant ses études.
Après être allés saluer Saru, nous retournons vers le centre de Katmandou dans le taxi de Radju, qui nous quitte définitivement aux abords de l’agence d’Ashok, où nous avons rendez-vous avec Sailendra. Il n’est pas encore là car il a 20 minutes de retard, cela nous laisse le temps de faire connaissance avec le couple qui attend comme nous devant la porte fermée. Ils s’appellent Xavier et Christiane Pace, septuagénaires, ils fréquentent le Népal depuis des décennies et y passent trois mois par an depuis qu’ils ont adopté un népalais, maintenant adulte et père de famille. Ils connaissent également très bien Ashok depuis des années et, comme nous, sont invités à déjeuner chez lui. Quand Sailendra arrive, Patrice, Christiane, Xavier et moi-même embarquons dans un taxi ; Kalash et Krishna nous quittent. Sailendra ne peut pas nous accompagner, il fait longuement le topo au chauffeur pour lui indiquer le chemin jusqu’à Lalitpur, et nous voilà partis pour les quartiers sud de Katmandou, cette fois-ci.
Chez Ashok, nous rencontrons aussi Nanouche, une amie de longue date, accompagnatrice de voyage (elle travaille encore un peu), que Patrice connait bien également. L’épouse d’Ashok et ses deux grandes filles font le service, mais ne partagent pas notre repas. Ashok préside à un bout de la table, mais il ne mange pas en notre présence – il a beaucoup de mal à s’alimenter et il a perdu du poids. Il ne peut plus parler mais il sourit et rit, et suit attentivement la conversation très gaie et animée entre ses convives, sur les sujets les plus variés, mais dans un registre globalement plutôt comique.
De retour à Thamel en fin d’après-midi, Patrice envoie aux membres du Conseil d’Administration de l’association Lila un mail pour leur demander leur avis sur la décision à prendre pour Krishna. En effet, dans l’école privée qu’il souhaite intégrer, ACME Engineering College, les cours ont commencé depuis deux semaines, il y a donc une certaine urgence ; et les frais de scolarité se montent à 13 000 euros au total (payables au semestre) soit 3 250 euros par an pendant quatre ans. Nous ne voulons pas décider seuls de cette dépense. De plus, nous pensons qu’il serait bon de faire participer Krishna à des frais que bien des familles françaises ne pourraient pas se permettre d’engager pour les études de leurs enfants. Et qu’il considère que 20% de ces frais de scolarité (=2600€) sont un prêt remboursable plus tard à l’association quand il travaillera, son diplôme en poche. Sur ce point-là également nous ne voulons pas décider seuls, alors que ceci doit être expliqué à Krishna dès le départ, c’est-à-dire tout de suite.
Tous les membres du CA ont approuvé ces choix, Patrice reçoit leurs réponses le lendemain.

Samedi 8 décembre
C’est un peu une journée de vacances. Nous allons visiter Patan, non loin de chez Ashok. Il fait beau et pas trop frais. Belle promenade dans cette ancienne ville royale, son Durbar Square et son ancien Palais Royal transformé en musée. Nous déjeunons au restaurant bon et chic du musée, dans de magnifiques jardins. Et nous sommes invités le soir par Sailendra dans un restaurant de Thamel.

Dimanche 9 décembre
Le dimanche, nous terminons nos achats, et Patrice me fait découvrir un autre jardin, dessiné en 1920 et récemment restauré grâce à des fonds autrichiens, tout près du quartier de Thamel, qui se nomme le jardin des rêves, ou encore  le jardin des six saisons. Trois pavillons, un amphithéâtre, des étangs, des pergolas, près de 7000 m² de parc soigneusement léché et plein de surprises, on en oublie le vacarme incessant de la grande avenue toute proche.
Nous nous arrachons tout de même à ce cadre bucolique car nous avons rendez-vous avec Sailendra et Gyanu à l’agence à 13h. Sajani, Kalash, Krishna et Rufus doivent nous y retrouver, et nous avons souhaité, avec Sailendra et Gyanu, donner un côté formel et une certaine solennité à cette réunion des quatre jeunes Yadav.
Durant deux heures, nous revenons sur les principaux points qui nous ont occupés. D’abord leurs relations avec leurs référents doivent être régulières, ils doivent parler avec eux et les tenir informés de ce qui se passe dans leur vie. La mise en route du petit commerce de Sajani était une bonne idée, mais il est dommage de ne pas en avoir parlé au préalable avec Sailendra. Nous leur faisons part ensuite des décisions prises par le CA de Lila concernant Krishna : son entrée à l’ACME et la nécessité pour lui de rembourser plus tard 20% de ses frais de scolarité (il nous donne son accord sur ce dernier point). Kalash reprendra le français à l’Alliance Française, et Rufus va s’y inscrire également, car il va commencer un cycle de 4 ans d’études pour obtenir un Bachelor Level of Studies et souhaite travailler dans le tourisme. Après le départ des jeunes, nous bavardons encore avec Sailendra et Gyanu.
Ce dimanche soir, nous sommes invités à manger le Dal Bhat chez les Yadav. Nous avons prévu de manger le lundi midi avec Krishna, Kalash et Rufus et le lundi soir avec Salina, Saffrya et Sajani, car ils ne sont pas disponibles tous ensemble. En fait, je suis malade le lundi dès l’aube (sans rapport avec le dîner chez les Yadav, car Patrice se porte comme un charme) et passe l’essentiel de la journée au fond de mon lit. Krishna, Kailash et Rufus montent me dire au-revoir dans ma chambre. Je me joindrai aux invitées du soir devant un bouillon de légumes pour leur dire au-revoir. Et le lendemain à l’aube, je suis à peu près en état de reprendre l’avion, quoiqu’un peu flageolante.
Durant ce séjour, nous nous sommes posé bien des questions au sujet des jeunes Yadav et de leur avenir. Il leur a été dit clairement que le soutien de l’association Lila ne sera pas éternel et qu’ils doivent travailler pour leur avenir et leur autonomie. Dans cette fratrie, ce sont les enfants qui ont toujours pris en charge leurs parents, ils ont pris l’habitude de souvent décider par eux-mêmes. Cela explique peut-être en partie la réticence de Kalash à rencontrer Sailendra après les remarques qu’il lui avait faites. Ils ont certainement des scrupules à signaler à Sailendra les « petits » problèmes qu’ils rencontrent : leur clavier d’ordinateur français, par exemple. Ou l’abandon par Kalash d’une formation en informatique qu’elle a dû interrompre parce qu’elle ne disposait pas d’un ordinateur portable. Leurs relations avec Sailendra et Gyanu sont trop espacées, alors qu’ils les savent disponibles en cas de problème, malgré le travail de l’agence. Patrice et Sailendra ont beaucoup insisté : ils doivent parler des problèmes qu’ils rencontrent, des questions qu’ils se posent, des situations nouvelles qui apparaissent.
Le contact avec eux était simple, facile et souriant, mais la conversation … Je n’ai eu quelques vrais échanges qu’avec Kalash, même Krishna et Rufus étaient trop intimidés pour me parler facilement (ou je n’ai pas su les mettre à l’aise). C’est un petit regret. Pour le reste, tutto è bene.

                                                                                                  Catherine Grigaut-Diguet

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